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En banlieue, les agressions contre des homosexuels se multiplient.

Depuis plusieurs années, les agressions très violentes contre les personnes homosexuelles se multiplient dans la banlieue des grandes villes. Enquête sur un phénomène qui alarme associations et autorités.

A spokesman of the ‘Stop Homophobie’ association Lyes Alouane poses during a photo session in Paris on November 27, 2018. (Photo by Christophe ARCHAMBAULT / AFP)

L’agression a eu lieu dans la nuit du 4 au 5 mars 2019. Kevin, 32 ans, descend de sa voiture tout juste garée dans une résidence privée de Drancy, au nord de Paris. Trois jeunes gens fondent sur lui, le frappent à la tête, le jettent à terre puis le rouent de coups de pied. Un coup de couteau lui perfore le poumon. Malgré tout, Kevin parvient à déclencher l’alarme de sa voiture, ce qui met fin à l’agression.

Trois jours plus tôt, le trentenaire était entré en contact, via un site de rencontres, avec un homme de 27 ans. Les deux internautes, qui échangent des messages pendant 72 heures, décident de se donner rendez-vous. « Il avait justifié l’heure tardive en disant qu’il travaillait dans un restaurant, raconte aujourd’hui Kevin, qui subit encore les séquelles de son agression. Nous avions parlé de nos vies et de nos projets professionnels. À aucun moment je ne me suis méfié. » Depuis l’attaque, ses agresseurs ont été arrêtés. Kevin a alors découvert que c’est précisément cet homme qui l’a poignardé. « Je savais que ces guets-apens existaient, mais je pensais que ça n’arrivait qu’aux autres », souffle la victime.

345 agressions en banlieue en 2018.

Drancy, Gennevilliers, Chanteloup-les-Vignes, en région parisienne mais aussi Vénissieux, près de Lyon, les agressions physiques contre les personnes homosexuelles, particulièrement violentes, se sont multipliées ces dernières années. Officiellement, il n’existe pas de chiffres du phénomène, tant ces attaques sont difficiles à recenser. Réticences des victimes à porter plainte, classements sans suite par manque de preuves… Des associations établissent toutefois des décomptes à partir des demandes d’aide. Sur les 1 277 « dénonciations d’agressions physiques » recensées en 2018 par Stop Homophobie, 672 ont eu lieu en Île-de-France, dont 345 en banlieue.

« Il s’agit principalement de guet-apens », commente Terrence Katchadourian, le secrétaire général de l’association, qui a assisté 78 personnes lors de procès. De son côté, le ministère de la justice enregistre très peu de condamnations : « En 2017, 25 condamnations ont été prononcées pour des atteintes aux personnes aggravées en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre de la victime », précise-t-on à la Chancellerie, qui estime que « ces chiffres sont probablement peu représentatifs du phénomène ». Et précise : « Ces faits peuvent aussi être poursuivis et sanctionnés comme des violences volontaires avec arme, en réunion. »

« Le guet-apens, un phénomène répandu ».

Une source proche de Matignon donne d’autres éléments d’analyse. « Il n’y a pas forcément plus d’agressions, mais elles sont nettement plus violentes », dit-elle, s’inquiétant du « phénomène répandu des guets-apens, via des applications de rencontre ».

Comment l’expliquer ? Pour Ludovic-Mohamed Zahed, imam, sociologue et l’un des fondateurs de l’association Homosexuels musulmans de France (aujourd’hui disparue), le problème « est avant tout socioéconomique. Lorsque le niveau d’éducation est faible et que l’accès à l’emploi est restreint, cela aboutit à un phénomène de désignations de bouc émissaire, qui cible toujours les minorités. » Selon lui, « le religieux n’est pas un facteur déterminant » des violences.

« Un homosexuel arabe, c’est la honte de la communauté ».

Une analyse que ne partage pas Mehdi Aifa, président de l’Amicale du Refuge (regroupant d’anciens pensionnaires de l’association du Refuge, qui vient en aide aux jeunes homosexuels chassés de leur famille). « Il y a de l’homophobie partout en France, mais elle est évidemment beaucoup plus violente en banlieue, en particulier dans des quartiers où il y a une concentration de population d’origine maghrébine et de confession musulmane. Dans ces banlieues, être homosexuel et maghrébin est incompatible. Un homosexuel arabe, c’est la honte de la communauté. »

Le jeune homme, qui a vécu à Vénissieux, poursuit : « J’ai en tête des dizaines d’histoires de gens que l’on essaye de faire changer d’orientation sexuelle en organisant des rencontres, voire des mariages forcés. Pour eux, soit on perd sa famille et sa communauté, soit on accepte le mariage et on entre dans une double-vie. On ne peut nier qu’en l’occurrence, l’islam fasse partie du problème. » Ce responsable associatif porte un discours très dur envers les responsables communautaires et religieux et ne croit pas à un dialogue possible avec les imams.

« Casser du pédé est devenu une fierté ».

Brahim Naït-Balk, lui, y croit au contraire. « Le combat se joue aussi dans le champ religieux. Je veux rencontrer des imams, faire venir des responsables musulmans à mes conférences pour qu’ils entendent mon témoignage. » Âgé de 56 ans, cet éducateur sportif d’origine marocaine retrace d’une voix posée les épreuves qu’il a traversées lors de sa jeunesse à Aulnay-sous-Bois. Les fellations et les viols imposés, pendant sept ans, par un groupe de jeunes de sa cité. Son silence par peur des représailles, notamment vis-à-vis de ses frères et sœurs. Il a quitté la ville de Seine-Saint-Denis à 31 ans puis raconté son histoire en 2009, dans une biographie (1), qui l’a « sauvé du suicide », dit-il.

Aujourd’hui, quand il ne travaille pas comme directeur départemental handisport des Hauts-de-Seine, il multiplie les conférences dans les écoles. « J’arrive à faire changer progressivement les regards », estime-t-il, même s’il ne cache pas son inquiétude face à une forme de « montée de l’intégrisme. La violence est gratuite, très répandue. Casser du pédé est devenu une fierté. »

« Certains me guettaient en bas de chez moi pour me traiter de “sale pédé” ».

Son récit recoupe le témoignage de Lyès Alouane, 23 ans. En 2016, le jeune homme, qui habitait Gennevilliers, près de Paris, avait affiché sur son profil Facebook une photo de lui et de son compagnon. Dès le lendemain, les insultes ont commencé à pleuvoir dans son quartier. « Le bouche-à-oreille a joué dans toute la cité, raconte le délégué de l’association Stop Homophobie pour l’Île-de-France. On me disait que j’allais aller en enfer, que l’homosexualité était “haram”, que j’étais dégueulasse. Certains me guettaient en bas de chez moi pour me traiter de sale pédé. »

Une partie de sa famille cesse de lui parler. « Ils auraient préféré que je me cache. Ma mère me lançait : “Moi, si je faisais le trottoir, je ne le dirais pas.” » Dans le quartier, il connaît bien ses agresseurs : l’un des meneurs était en 5e avec lui. En deux ans, il dépose 22 plaintes. Il est aussi victime d’un guet-apens à Saint-Denis, après une rencontre sur Facebook. « Je m’en suis sorti avec 4 points de suture au crâne. » Il a depuis déménagé, trouvant refuge à Paris, chez une amie. Ses agresseurs doivent être jugés en juin.

Peu de condamnations.

Depuis janvier 2017, commettre une infraction en raison de l’orientation sexuelle constitue une circonstance aggravante, applicable à toutes les infractions punies d’emprisonnement (meurtre, acte de torture et de barbarie, agression sexuelle, violences, vol, menaces, extorsions, etc.).

Le nombre de condamnations pour de telles infractions (atteintes aux personnes aggravées en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre de la victime, soit atteinte à la vie, violences, menaces) reste faible. La justice française a ainsi condamné 25 personnes en 2017, 39 en 2016, 22 en 2015, 26 en 2014 et 29 en 2013.

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